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Entre Olveiroa et Muxia

À plusieurs reprises, j’ai parcouru le camino. Et, à chaque retour de mes périples vers Saint-Jacques-de-Compostelle, ma femme m’a dit qu’il me fallait maintenant «redescendre des étoiles». Par-là, elle sous-entendait qu’il était temps pour moi de quitter le campus stellae (le champ des étoiles, nom premier de Santiago), de remettre les pieds sur terre et de revenir dans la vraie vie, la vie quotidienne de Saint-Denis.Tant il est vrai que les trois ou quatre premiers jours de marche sur le chemin transforment radicalement mes préoccupations habituelles. Ce court laps de temps suffit pour que je n’éprouve plus que des besoins essentiels, primaires : me nourrir, me désaltérer, trouver un toit pour dormir, me protéger du froid, éviter les trop grandes chaleurs, prendre soin de mon corps en souffrance, parler avec les personnes de rencontre ... Tous mes soucis habituels sont relégués au plus profond de ma mémoire. Et si, sur le chemin, ma femme me téléphone pour me demander comment faire fonctionner notre imprimante – cela s’est produit – j’ai effectivement le sentiment de tomber de très haut, de tomber des étoiles. Alors, de retour à Saint-Denis, je retrouve la vraie vie : j’ouvre machinalement le robinet pour m’abreuver, lerepas suivant est servi avant que mon estomac ne l’ai réclamé et j’oublie totalement le bonheur d’avoir un toit, un lit, un médecin disponible, une pharmacie à proximité, des amis présents et disponibles ... etc. Est-ce cela la «vraie vie»?

Luc Delasausse



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